LA MÈRE ORIGINELLE
L'aspirant (Bandzi) à la connaissance du Bwiti (Bwété wa mabanzi) non-christianisé est traditionnellement présenté aux membres du cercle par parrainage ascendant afin de participer à la vie communautaire régie par la force sacrée des ancêtres et ainsi devenir disciple de la confrérie secrète. C'est pour la purification de son organisme et la guérison de son âme, qu'il est amené à manger le bois amère pendant cette cérémonie magique (Môvémbo) où il sera plongé par des visions étranges et fantastiques dans le monde des réalités invisibles. Le Bandzi (cadet) est soutenue dans l'épreuve par un maître Bwiti initiateur (Nima-nyima), l'aîné. D'autres guides du cercle, les Ngangas (Ngang), médecin-guérisseurs et devin-féticheurs lui serviront d'éducateurs. Au commencement de la nuit après la récolte de toutes les herbes nécessaires au rituel, on dresse un feu (Akwa) qui durera tout au long de l'initiation. Le Bandzi doit être protégé des attaques maléfiques qu'il pourrait rencontrer dans le monde d'iboga, comme les esprits vampires des sorciers (Agodo-balosi) de la nuit (Enzanga), ceux qui mange l'âme, la force d'autrui. Le Nganga-magicien va donc pour cela, confectionné le fétiche Mbando protecteur, qui représente le double occulte (Tsombi) du Bandzi, sa force vitale (jumelle) fixée dans un talisman. C'est une petite statuette évidée ou un sachet de forme arrondie en tissu teinté de rouge et de blanc, bien ficelé, rempli de plusieurs mèches de cheveux (Totsogé) pris sur le front et la nuque du Bandzi, mélangé à des fragments d'ongle du pouce droit (Dinèta) ou des auriculaires de ses pieds et mains agrémentés d'une poudre magique minérale (coquillages, charge de fusil, noix de kola) pétrie avec du sang séché d'une poule blanche. Pour rendre vivante cette double personne, le Nganga y crache dessus un liquide fait à base de graines de Nzinbo trempé dans un rhum épicé ou du vin à base d'écorce d'Owalè. Le paquet protecteur est ensuite enterré dans un endroit isolé et secret (Nzimbe) au pied d'un arbre connu du seul magicien. Le Bwiti d'origine était une religion mystique des arbres. À la nuit tombée, le néophyte est alors dénudé, seul un pagne (Ibari, Mubati) en fibres de raphia coloré de rouge représentant le sang de l'enfantement, lui sert de vêtement. Des hommes vigoureux entreprennent des chants mystérieux au rythme des tambours, allument des flambeaux et des torches faisant jouer de curieux reflets sur la face de leurs masques à cornes. On donne au Bandzi deux bols en bois remplis d'une décoction légèrement chaude qu'il absorbe aussitôt. C'est la première "prise" d'iboga. La nuit rituelle (Ngose) tombe sur la conscience du Bandzi. L'esprit végétal d'Iboga (éboga) concentré dans cette petite tisane (90 mg d'ibogaïne) aiguise par son appel stimulant le métabolisme neuromusculaire et mental du nouvel adepte, le préparant à la voyance des choses cachées par le retour à la nature et son dépassement. Le prétendant aux oracles s'éloigne de l'esprit N'kwe du feu (Nyambi-wouba) qui le regardait, pour être conduit dans la petite obscurité, loin de la clameur du village, sous une bonne escorte aux flambeaux (Efsa), vers un cours d'eau ouvert en surface ou un grand (Yogo) récipient (baquet) rempli d'eau trempée d'une mixture secrète (Ekasi) d'herboriste dépurative contenant des écorces bouillies de l'arbre à esprits (Mundju). Dans certaines régions, cette cuve (Ngang) percée et suspendue afin d'arrosée la tête, était placée en-dessous d'un arbre sacré au tronc de couleur rouge, l'Olouni (Oluni), le talisman géant de la forêt gabonaise avec sa résine odorante qui repousse les démons nébuleux des anciens. La respiration du Bandzi (ange) sous l'emprise d'Iboga s'accélère, son souffle (Bokayé) insistant dans la chaleur de son sang. L'esprit du vent M'bongwe (Nyanbi-poupabiango) le regarde. Au milieu des ténèbres cérémonielles (Efun), il est alors encouragé ou précipité dans les flots mouvants de la rivière sous une étrange mélodie musicale envahissante. C'est le bain rituel de purification (Mosolo-mososo). Immédiatement, retentit un chant aux allusions cruelles, sortant des pénombres de la forêt : "Oh a' Yaé, c'est le Maraka qui attrape le gros python (l'infinie) eh ! yo yo, il s'y fait croqué les pieds, pauvre wé Makaya oh ! ho ! ho ! Voyez, ya é le Makara n'est plus qu'un gros morceau de bois flottant dans son sang, ebanga ! eh !". Le Bandzi envahi par la crainte, nage vers l'amont, son corps comme disloqué de tous ses membres par le son de l'étrange mélodie. C'est l'ouverture allégorique des portes corporelles de son âme mue par les vibrations sonores des cordes en boyaux humain de la harpe sacrée (Ngombi) à tête de femme qu'attise le musicien (Béti) assis sur la terre ferme. Cette singulière symphonie représente le dernier souffle de la femme originelle pygmée Benzogho (Ébanja), sosie de la sœur (Egnepé) céleste de Nzame, sacrifiée et dépecée en 8 morceaux (Bandjoku) pour la transmission du pouvoir mytho-morphologique de l'iboga. L'esprit Mebeghe (Yamwei) de l'eau regarde le Bandzi qui regagne la rive en se retirant à la lueur des torches en bois d'oukoumé du royaume liquide de Mamiwata, reine des génies (Migesi-migisi) aquatiques. Sous une lune (Ngon) blafarde, on enduit le corps du novice en le badigeonnant de Koalin (Oukoula) blanc (Pèmba), une pâte huileuse à base d'argile friable et de pulvérisations de brisures d'ossements humains mélangés à la chair d'organes (foie) desséchée d'enfants jumeaux mort-nés. Dans certaines sociétés traditionnelles africaines, les jumeaux sont considérés comme des êtres numineux possédant un puissant pouvoir surnaturel et mystique, leur esprit unique étant resté au ciel. Ce sont les deux esprits jumeaux (Mavasa) crée par Nzame qui tuèrent Benzogho (Ningone) la femme originelle de la forêt. None, jaloux de la sœur (Egnepé) de Nzame, voulu en engendré un double. Nigon vit le désir de son frère et de cette connaissance réciproque se produisit 8 éclairs blancs (Mikadikadi) qui de par leurs déflagrations (Ngadi) enfantèrent la foudre rouge qui enveloppa de noir, de part sa combustion, la visibilité du monde de Nzame (Bémbé). Ainsi le jour, l'aube et la nuit furent ainsi formées. None devint femelle et engendra Benzogho (Dissumba) porteuse de tous les gemmes de la création terrestre. Nigon acquerra la masculinité par cette altérité honteuse. Mais tous les êtres accouchés de Benzogho (Guènyèpa) demandèrent par des sacrifices sanglants la vue secrète sur le monde de Nzame. Dans leurs plaintes, ne reconnaissant plus Benzogho (Maroundou) comme mère, ils l'offrirent comme offrande sacrificielle (Okandzo) aux deux esprits jumeaux qui la noyèrent et l'égorgèrent en répandant son sang sur la terre qui donna prospérité à la grande forêt. La nuit, ils la démembrèrent en 8 morceaux qui sont les formes ésotériques des 8 esprits par lesquels Nzame (Kana) créa le monde. Face à tous les êtres, ils brûlèrent chacune des parties dans un feu sacré. Seul le crâne blanc immaculé de la mère (Dinzona) immergea des cendres et fut immédiatement vénéré (Byeri) par toutes les tribus. On l'enterra, déposé à l'intérieur d'un coffre cylindrique (Nsekh-byer), sous un grand monticule de tibias et de fémurs empilés dans une clairière illuminée par les éclaires étoilés (Minanga-igegeni) du ciel (Loba) et couvert du rugissement rauque d'un léopard rouge à tâches blanches. C'est là que parmi les vieux os des anciens, apparu au jour, l'arbuste Éboga, le corps (Akôn-engo) de lien du monde invisible de Nzame par l'entremise magique de l'esprit-physique (l'Iboâ) de la mère forêt (Pindi). Le blanc (Koalin) utilisé abondamment sur le corps du Bandzi représente les cendres de la mort, l'apparition de l'âme, le deuxième corps du rituel Bwiti. Le visage du novice est chargé de ce blanc laiteux pour en être masqué. Cet autre visage (astral) devient alors le siège visible du sacré supraterrestre. L'initié est un homme masqué. On trace sur ce blanc des traits rouges (Tsingo) venant de la sciure d'un arbre (bois corail), le Padouk, mélangée au sang d'une poule blanche sacrifiée (Ku). Cette poudre rouge (Munguli) représente le sang menstruel (Ba), l'apparition naissante de la chair, le sang du vivant, premier corps du rituel Bwiti. Des tâches noires de poudre de charbon de bois ou d'argile bleue (E-boo) mêlées à de l'huile de palme brûlée sont réparties sur l'ensemble maquillé, tracées aux doigts ou projetées par jets, symbolisant la nuit, l'apparition de l'esprit (Mikuku), troisième corps du rituel Bwiti. Les principaux endroits du corps (portes) de l'initié à soignés sont délimités par ces tâches (rondes) noires. D'autres marques comme de petites étoiles ou des traits parallèles sont entaillées dans la peau par scarification du dos et du torse pour identifié le degré initiatique atteint par l'adepte après la réception (Nima) dans la confrérie secrète. Le chef (Kombo) du culte (Ta-d-je-ngang) habillé d'une grande peau de léopard, le chasse-mouche Combo en queue de panthère (Ngoye) à sa main droite se présente au Bandzi en lui crachant sur la fontanelle (porte de l'esprit) un mélange de sève d'un roseau d'eau (Okoskosa) et de salive (Ava-méti) comme giclée de salutation (Evoba) et de bénédiction magique à son transport vers l'au-delà. L'initié alors éveillé, mâche quatre ou cinq grandes bouchées de râpures d'écorces d'iboga (400 mg d'ibogaïne) enveloppées dans leurs feuilles que lui présente le Kombo à la flamme vive des torches (Otsa-mupitu). C'est la deuxième "prise" de L'IBOGA.
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