mercredi 27 décembre 2017

IBOGA III
































LA NUIT DES MASQUES

Troisième partie : Pendant l'ingestion et l'irradiation (45 minutes) des propriétés substantielles psycho-magiques de l'écorce amère d'Iboâ (iboga) dans le corps du Bandzi, sortant des pénombres de la brousse, un petit groupe de danseurs (Akom) drapés de longs pagnes imprégnés de rouge, le visage couvert de Kaolin blanc, les cheveux verts et le cou enlacés par des parures enfilées de coquillages reliées à des paires de dents de panthères, l'invitent à quitter le Nzimba de la forêt (Afane) sur les rythmes frénétiques des battements de tambours (Ndungu) et des vibrations modulées, répandues par les cordes stimulées par la bouches des joueurs (Béti) de deux petites cithares Mogongo (Ribocki) en forme d'arc. Ainsi sont les premiers battements du cœur et du souffle de Nzame qui interpellent le Bandzi à connaître sa volonté (Bwiti) de conscience par l'interrelation élémental et végétale qu'est l'Iboga, son propre sang. Avant de se joindre aux danseurs mystiques, le Dindario reçoit un large trait rouge (Tsingo) vertical et central, descendant du sommet de sa tête (nlô) jusqu'au bas de son abdomen. C'est la trace de sa naissance dans le sang de l'accouchement, la délivrance. Le Bandyi doit revenir à l'origine de son être en mettant en bas (rouge) l'esprit (blanc) d'en haut. Le Kombo initiateur (Nima) le fait s'asseoir à genoux sur des grandes feuilles de bananiers, signe représentant les langes de sa nouvelle renaissance (Meyaya), à la gauche de son Parrain debout qui tient dans sa main droite deux petites torches de braises enflammées indiquant la présence des esprits (Ekaba), lui ouvre la bouche et perce d'un coup sec sa langue d'une longue aiguille (Etombo) d'enveloppe de Bambou plantée aussitôt dans le centre (Rachis) d'une grande plume brillante provenant de la queue rouge vif d'un perroquet gris du Gabon. Elle est ensuite fixée dans la chevelure du Bandzi ou maintenue par une couronne de coquillage blancs. Le perroquet (Ngouiaye) appartient au culte des animaux fétiches annonciateurs de la parole messagère. L'initié est alors blessé au front par les lames de deux grands couteaux que le Nganga-magicien, dans un cri de rage, fait disparaître à moitié dans le sol. ils incarnent les deux tranchoirs qui servir à découper en morceaux le corps de la mère (Bensogho). Le fait d'enterrer les pointes ensanglantées dans le sol de la terre (Mère) apporte une protection contre les attaques des mauvais sorciers (Beyer), un repoussoir pour les génies malfaisants (Abanbo). Les marques (Ba) ou incisions sur le front matérialisent l'ouverture de la connaissance dans le sang du sacrifice (Bandjoku). Les hurlements plaintifs des chiens se font entendre dans le lointain opaque de la nuit (Alou) rituelle (Ngoze). Les yeux exorbités et rougis de l'initié scrutent avec inquiétudes les étincelles attisées des flammes (Akwa) qui voltigent comme des guides ailées hors de leurs supports bâtonnés vers le gouffre de l'obscurité épaisse de la forêt de l'étrange. C'est l'appel sur le chemin du Boity. Le bandzi est enfin prêt à rejoindre la file en ligne des danseurs mystiques qui s'élancent en dansant (Endzamba), les chefs à leurs têtes, vers le village (Dza) où réside sur sa place, le sanctuaire cosmique des ancêtres (Mbanja), le Mulebi du corps de garde. Arrivé sur la cour (Nseng) du lieu-dit au abord des cases d'habitations (Boundzi), tous les résidents sont pris dans une danse collective (Nginda) qui se manifeste par des figures acrobatiques dynamiques (Ndjèmbé) en forme de spirale tourbillonnante (Seng) autour d'une grande bâtisse rectangulaire de bois consolidée de terre battue au toit recouvert de pailles et de feuilles de palmes (Akora), la case-temple (Tsapala/mbanja) dédiée au Bwiti qui sert de lieu de réunion pour l'exercice de la justice et de veillées à toute la communauté. Sur le seuil, devant son entrée, s'élève un grand pieu en bois emmailloté et hérissé de tiges en rotin, de feuilles végétales de toutes sortes, imprégnées de pigments blancs. C'est l'Otunga (otsouang), l'arbre de la mort : l'échelle où descendent les âmes des ancêtres (Mighonzi). Sa face est aspergée du sang de trois poules blanches sacrifiées pour l'occasion afin qu'il devienne l'arbre rouge (Ndembe) de la vie. À son côté gauche, siège une femme (Mewouma) entièrement vêtue de couleurs vives, la seule (Yombo) à être présente lors de l'initiation, le visage recouvert d'un petit masque plat à l'expression énigmatique troué de deux yeux clos comme enflés par le sommeil, son front surmonté d'une coiffe raffinée, supportant un panier-reliquaire en rotin enfermant des fétiches occultes. Le nom secret de ce défunt lié à la descendance familiale du Bandzi lui sera révélé l'ors de son dédoublement astral (Kouka) dans le monde de Nzame (Endoudom). À sa droite, un guerrier initié (Mvôn) en pleurs, accroupi, les bras chargés de branches feuillues d'iboga, arbore avec disgrâce un grand masque blanc rectangulaire à deux cornes dévoilant au milieu de sifflements atroces une dentition féroce. il incarne l'entité féminine du deuil Monghondzi, émanation de la mère du commencement pygmée : Benzogho. C'est par l'abandon définitif de ses comportements négatifs influencés par les liens des actes criminels et cachés par ses ancêtres que le Bandyi trouvera le secret de la guérison (Boghaga) révélé par la prise phytothérapeutique de l'esprit d'Iboga. Le Dindadio est sollicité par l'esprit manifeste de l'entité affligée à quitter son corps pour le monde des Ancêtres (Bavulu) et de renaître dans la chair du Bwiti. Ainsi, il empoigne de sa main droite un gros silex (Seng) enduit du sang du sacrifice et de sa salive, le jette en frappant par quatre fois l'arbre modifié et fini par le lancer en direction d'un grand feu de bois (Mewouba) qui brûle depuis l'aube. Le Kombo le récupère à l'aide d'un instrument en forme de fourche (Dipaku) pour l'enterré en dessous de la base (pierre) du poteau ensanglanté "Ndembe", l'arbre-vie. Le son vrombissant du souffle d'une corne d'antilope (Ndijbo) retentit, faisant fuir une nuée de chauves-souris (Kondzo) qui s'éloignent vers la lune (Ngon) livide s'effaçant dans la buée nocturne de la nuit inondée d'étoiles luisantes. La troisième étapes de la prise des secrets (Abwa) de l'Iboga peut commencer.

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